Quand la fête de l'indépendance passe inaperçue (2ème partie)


Je garde toujours dans ma mémoire les souvenirs de la fête de l'indépendance, quand j'étais en 6ème année de l'enseignement primaire en 1968. On participait à des jeux à cette occasion, et le soir, on assistait à des spectacles. Nos parents décorent l'entrée des maisons par des tapis et on mettait même le drapeau sur les toits. C'était vraiment la fête et tous les habitants de mon village y participaient avec beaucoup d'enthousiasme. Les rues étaient encombrées et on se félicitait. Puis, on commençait à bouder cette occasion, avec le temps qui passe, déçus par l'expérience en matière de coopération agricole  que beaucoup de paysans n'ont pas avalé et avaient le sentiment que Bourguiba les a dupés.

Par ailleurs, nos parents ont investi de l'argent pour construire des établissements administratifs et ont fait des dons de lots de terrains. Certains parents ont donné leurs bijoux pour participer avec Bourguiba à édifier la nation, en croyant que leurs enfants vont tirer profit du développement économique de la Tunisie et que la justice sociale soit établie.

Bien que durant les années 1956-1965, il y avait des cantines dans toutes les écoles et on recevait des vêtements et des fournitures scolaires gratuitement ; la scolarisation obligatoire coutait chère aux parents et réduisait la main d'oeuvre agricole. Pour faire face aux nouveaux besoins de dépense relatives à cette scolarisation, certains parents ont vendu leurs terres avec beaucoup d'amertume. Les Tunisiens avaient le sentiment d'être trahis par Bourguiba.

Ajoutons à cela les problèmes engendrés par la loi 72 et ses retombées socioéconomiques. Les différentes crises politiques que nous avons vécues, la remontée d'une nouvelle classe d'hommes d'affaires qui ne cherchaient que leurs profits, les émeutes de 78 (relatives à l'augmentation vertigineuses des prix), et la cherté de la vie, sont tous des facteurs d'insatisfaction des Tunisiens à cette époque.

Ce constat de fête inaperçue date depuis longtemps. Même avant le soulèvement du 17 décembre, les fêtes organisées par le régime de Ben Ali étaient fades, et le peuple n'y participe pas. Il n'y avait aucune comparaison avec le 14 Juillet, date de l'indépendance en France.

Bref, il est anormal que cette fête d'indépendance passe inaperçue.  Comme si, dans notre subconscient, nous ne sommes pas convaincus que la Tunisie soit indépendante. Une réconciliation avec notre passé doit avoir lieu, accompagnée d'une prise de position contre l'hégémonie française et sa main mise sur notre économie. Ceci me semble nécessaire pour que le peuple y adhère. 


Lire : Quand la fête de l'indépendance passe inaperçue (1ème partie)

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Youssef Bahri




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Youssef Bahri