Passé et présent : je me demande qui suis- je et comment j'arrive à vivre en Tunisie


Il ne suffit pas d'avoir un grand diplôme délivré par une université étrangère de renommée pour gouverner un pays comme la Tunisie. Le diplôme de Harvard ou de la Sorbonne n'apprend pas à ses détenteurs comment gouverner. Le plus glorieux diplôme est délivré par la grande école de la vie. Comme le dit Musset : "L'homme est un apprenti, la douleur est son maître, Et nul ne se connaît tant qu'il n'a pas souffert".  Je me permets de faire ce commentaire pendant cette période où tous les Tunisiens sont devenus des experts en politique et face aux analyses et recommandations faites par les décideurs politiques, les responsables des différents partis politiques, les chroniqueurs, les journalistes, les politologues et les citoyens.  Il s'agit d'analyses souvent erronées et ne tiennent pas compte de notre situation socio-économique et de l'état psychologique du peuple tunisien qui est au bord de la dépression collective. Je me demande d'ailleurs, ce je suis et  comment j'arrive à vivre en Tunisie.

Notre pays a subi une mutation subite, rapide et sans aucune progression réelle. Auparavant, les familles vivaient ensemble, dans la maison des grands parents. On était même nombreux dans la même chambre; on mangeait ensemble et on passait la majorité du temps ensemble. On se réveillait tôt le matin pour ne pas rater le rendez-vous radiophonique avec "Ferrak Larzek". A cette époque, il n'y avait ni télévision ni vidéo ni playstation ni téléphone portable ni Facebook. Nos parents nous racontaient des histoires comme " El Jazia El Hlalia", "Kalila Wa Demna", "Omi Sissi" et autres.

Nos parents, malgré le fait qu'ils n'ont pas été à l'école, ils étaient plus cultivés et mieux instruits sur le plan social que nous. Ils partageaient tout entre eux. Pendant la période de sècheresse, ils achètent des taraud qu'ils sacrifient pour un marabout et font la prière auprès de Dieu (Salat-el-istisqa). Pendant la saison des cueillettes, ils laissent un peu d'olive sur l'olivier pour les oiseux et des épines de blé et/ou d'orge dans le champs pour les animaux (oiseaux, fourmis, lapins etc.).

Nous les jeunes, nous  travaillions pendant les vacances, pour pouvoir acheter nos fournitures scolaires (vêtements, livres, cahiers, trousseau, etc.). Nous comptions sur nous même sans attendre l'aide financier de nos parent. On cassait les amendes.. on achetait et vendait des œufs, des poules, des lapins .. on faisait leurs élevage.

Puis, on avait nos confidents frères et sœurs et enfants proches vu que nous étions nombreux. Même avec l'avènement de la télévision en 1964, il y avait le rendez-vous périodique avec Bourguiba. On attendait chaque jour, "Tawjihat Errais" qu'on suivait malgré notre jeune âge. Bourguiba nous façonnait par son discours, par son regard perçant, par son humour  et autres. On grandissait ensemble avec l'encadrement de nos parents, nos grands parents, nos proches parents et nous voisins.

Et aujourd'hui ?

Aujourd'hui, les choses ont complètement changé avec une famille nucléaire. Chacun est dans sa chambre, chacun mange souvent tout seul, sauf et heureusement en mois de Ramadan. Il n'y a plus de discussions familiales sauf pour regarder la télé. Facebook en particulier, et la technologie d'une manière générale, présentent en véritable mur empêchant les relations familiales de se développer d'une manière collective.

Ajoutons à cela, nos enfants sont trop gâtés. ils ne font aucun effort. Ils sont trop passifs et ils ne savent que demander mais jamais donner. Même si le père n'est pas d'accord, il finit par abdiquer. Nous sommes devenus otages de nos enfants. Ils ne s'occupent de rien, même pas du jardin de la maison alors que nous adorons à l'époque prendre la responsabilité.  Les parents, quand tous les deux sont obligés de travailler pour faire face aux besoins de la famille, ils sont de plus en plus dépassés et ne sont plus capables d'encadrer leurs enfants. La société civile et le pouvoir mis en place, n'ont rien prévu comme structures d'accompagnement: ni pour les personnes âgés, ni des crèches aux lieux de travail, ni un transport ciblé aux enfants, ni une participation de prise en charge pour les jardins d'enfant par la sécurité sociale.. Et on finit par avoir des échecs scolaires, des échecs des mariages, un nombre évolué d'accidents sur la route, un mauvais système sanitaire et autres.

En Tunisie, nous avons battu tous les records mais aucune reforme réelle n'a eu place. Il s'agit d'un record en matière d'inflation des prix, du nombre des fonctionnaires, etc. L'Etat observe la situation actuelle et ne réagit pas. En parallèle, la Tunisie a perdu ses racines et nous avons perdu notre modèle de société arabo-musulmane. On tend de plus en plus aux coutumes occidentales sans structures d'accompagnement comme ce corbeau ayant voulu imiter la marche de pigeon, il a perdu son pas. 

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Youssef Bahri




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