Kais Saied et le mouvement du 25 juillet 2021: vers quels horizons?


C'était juste une soirée d'été chaude et typique, ils étaient en train de regarder un épisode de l'emblématique sitcom "Choufli Hal", d'autres passaient leurs vacances aux hôtels ou bien certains s'amusaient dans les bars chantant et dansant... Soudainement, on interrompe l'épisode, et Kais Saied est apparu, au milieu de la table, accompagné des responsables militaires, sécuritaires, avec des mimiques sérieuses, un ton furieux, Il a délivré un discours,  qui laissera une emprunte  sur l'histoire moderne de la Tunisie. Le Gel des activités de l’assemblée des représentants du peuple, limogeage du chef du gouvernement, et  la levée de l’immunité des députés, c’étaient  les grandes décisions pour lesquelles on a vu les tunisiens fêtaient cette nuit partout en Tunisie… De toutes les façons c’était parmi les attentes de la majorité du peuple.

Un référendum pour la constitution, des élections législatives, mais aussi battre la corruption et rendre la dignité du citoyen... c’est ce que Saied a prêté serment, mais la question qu’on pose ici, ça fait presque un an, que s’est-il passé généralement, dans la « Tunisie post-25 juillet »? Etait-il à la hauteur avec ce qu’il nous a dit, est-elle ne Tunisie d’égalité, de justice, de liberté et de dignité ?

Voici d'ailleurs le synopsis de  « Tunisie pré-25 juillet »:  "Un pays paisible a connu un changement radical suite à une révolution, 10 ans maigres de misère, d'oppression, de corruption, de violence, d'extrémisme et d'obscurantisme… Mais un jour, un certain leader, Tournant la balance et emmenant le pays en zigzag, certains croient que c'est le bon chemin, et d'autres y voient le chemin vers l'inconnu…Le sort du pays est entre ses mains." Les protagonistes sont: Kais Saied, le peuple tunisien, les islamistes avec leurs accompagnants les traîtres.

Un combat s’est acharné entre les partisans du mouvement du 25 Juillet, et ceux qui supportent le système politique corrompu des Frères musulmans qui a conduit le pays à la destruction; surtout avec les déclarations du Rached Ghannouchi, leader su mouvement Ennahdha, afin de susciter une guerre civile dans le pays.

On se rappelle tous du 26 juillet, quand on a vu des centaines de partisans du président et d'Ennahda se sont confronté en jetant des bouteilles et des pierres devant le Parlement. Ghannouchi a commencé un sit-in devant le parlement, exigeant qu'il soit autorisé à y entrer après que l'armée l'ait fermé.

Mais, après tout, Saied était prêt avec des barrages pour contraindre n’importe quel acte qui vise à ralentir ou arrêter la transition ou comme il a choisi de nommer « correction de trajectoire ».

Sa décision de dissoudre le Parlement est venue en réponse à l'initiative de plus de la moitié des membres du parlement de tenir une session en ligne et de voter une loi qui considère les décrets de mesures exceptionnelles invalides, ce qu’il considérait comme une "tentative de coup d'État manquée". Il s'était engagé à intenter une action en justice contre les députés.

La décision de Saïd n'est pas isolée du contexte de l'évolution de la crise politique que connait le pays, dissoudre l’ARP ouvrant ainsi toute grande la porte à la mise en œuvre de "l'agenda politique" annoncé à la mi-décembre, qui comprend trois points principaux:

  • L'organisation de la  « consultation nationale électronique » sur les réformes politiques, économiques et sociales ;
  • L'organisation d'un référendum sur une nouvelle constitution le 25 juillet prochain ;
  • L'organisation de législatives élections le 17 décembre prochain, qui coïncide avec l'anniversaire de la révolution.

L’opposition ne veut pas se taire

Cette décision a eu bien sur une vague vaste de critiques de la part de l'opposition, des  juristes et d'organisations de la société civile qui l’ont considéré comme une rupture avec la voie de la transition démocratique et de la constitution. On parle ici de l’article 80 de la constitution. Sa décision de dissoudre le Parlement est venue renverser ce qui restait du squelette des institutions issues de la constitution, et soulève à nouveau une polémique fondée sur l'article 72 qui stipule que « le président de la république est le chef de l'État, le symbole de son unité, garantit son indépendance et sa continuité, et assure le respect de la constitution ». Les détracteurs de Saied disent que le texte de l'article 80 est clair en soulignant que le parlement devrait être maintenu en session permanente, pendant la période d'urgence.

C’était clair depuis un moment que les intentions du président Saïed de dissoudre le parlement, et si sa décision soulève une division au sein de la classe politique, cela ne constituera pas, selon les observateurs, un dilemme majeur sur la voie de Saïed vers la mise en œuvre de son projet politique mais ce qu'il devrait affronter davantage, c'est son incapacité à créer une atmosphère de dialogue avec les partis et les organisations de la société civile sur les réformes qu'il voulait réaliser.

Même la consultation électronique que Saïed voulait utiliser comme outil pour démontrer l'élan populaire pour ces réformes, n'a obtenu qu'un faible pourcentage de participation, car le taux de participation n'a pas dépassé 5 % de la population totale de la Tunisie.

En outre, le président a fait face aux critiques venant de la part des Etats Unis, lui appelant au retour des organismes de la transition démocratique, l’ARP en tête, mais aussi, le ministre des Affaires étrangères de l'UE, Josep Borrell, a affirmé ses "préoccupations" faisant appel  à préserver les "acquis démocratiques" de la Tunisie.

De leur part, les ambassadeurs des Etats membres du G7 accrédités en Tunisie ont appelé dans une déclaration commune à un retour "rapide" au fonctionnement des institutions démocratiques du pays. Certains pays ont même considéré ce processus comme un retour à a dictature.

Face à ce raz de marré, le président a nommé Najla Bouden, cheffe du gouvernement, une première en Tunisie et dans le monde arabe. Un gouvernement qui continue son chemin lentement, nous attendons qu’il y ait un changement au niveau de l’économie du pays.

Face aux craintes suscitées, il a démenti: "Je ne commencerai pas la voie d'un dictateur à cet âge". Mais la manière dont Saïd a démantelé les institutions démocratiques issues de la constitution et son utilisation de slogans populistes contre les partis, l'ensemble de la classe politique et les organisations de la société civile, présente une tendance autoritaire dans sa façon de gouverner.

Saied ne s’est pas arrêté ici, mais on vous rappelle de la dissolution du conseil supérieur de la magistrature, en le remplaçant par un autre, en vue de « nettoyer » le domaine,  avec le limogeage de certains juges. Et en choisissant le 25 juillet comme date d'un référendum sur une nouvelle constitution, Kais Saied cherche à employer son propre symbolisme dans l'histoire de la Tunisie.

Droits et liberté en Tunisie post-25 Juillet

"Notre liberté dépend de la liberté de la presse, et elle ne saurait être limitée sans être perdue". Thomas Jefferson.

Une augmentation du nombre de violation des journalistes, des militants et des blogueurs, ont été enregistrées, citons l’exemple de dont Mariem Bribri, ainsi que des militants défendant les droits des "minorités", telles comme l'attaque du responsable de l'association "Damj".

En effet, le Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT), a annoncé son rejet des procès militaires de civils, sur fond de leurs opinions, positions et publications, et a appelé le président Kais Saied à activer ses engagements antérieurs pour garantir les droits et les libertés.

Le syndicat a également annoncé son refus de suivre les journalistes  en raison de leurs idées, avertissant du danger des restrictions et des bouches au silence.

Le président Saied s'est engagé à plus d'une occasion à protéger les droits et les libertés, en particulier la liberté d'expression, mais la réalité est le contraire.

Au cours de cette période, on  a vu diverses violations contre des journalistes, telles que l'emprisonnement d'un certain nombre d'entre eux, la prise d'assaut, des restrictions, des menaces et des agressions contre des journalistes exercant leurs fonctions dans la rue… des journalistes devant  la justice militaire, sans respecter les décrets 115 et 116.

Parmi les exemples on peut citer aussi ; l’agression, par la police, du  journaliste français Mathieu Galtier, alors qu’il couvrait, le 14 janvier,  la manifestation organisée à Tunis, par Ennahdha et d’autres partis opposés aux mesures du 25 juillet décidées par le Président de la république Kaïs Saïed. 

Nous citons également le cas des trois journalistes de « Mosaïque FM », Khelifa Guesmi, Amal Manaï et Hassine Dabbabi, qui ont comparu devant le pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme, en tant que « suspects », en raison de la publication d’informations sur le démantèlement d’une cellule terroriste, à Kairouan.

Ajoutons aussi, l’arrestation de la journaliste Shahrazed Akacha après qu'un mandat de dépôt a été émis contre elle. Le motif de cette arrestation serait des statuts publiés sur sa page Facebook, très critiques envers le pouvoir en place et notamment le ministre de l’Intérieur, Taoufik Charfeddine. Et n'oublions pas l’agression du journaliste tunisienne et militante des droits des femmes Arwa Baraket  par des policiers.

Pire encore, il est révélateur d’une culture institutionnelle de violence et d’impunité de la part des forces de police tunisiennes, notamment envers les défenseur.se.s des droits des femmes et des droits LGBTQI+ en Tunisie.  Les organisations de la société civile tunisienne notent par ailleurs l’augmentation des faits de violences policières depuis le 25 juillet.  

Il ne fait aucun doute que l'état de régression démocratique et dans le domaine de la protection des droits et des libertés est généralisé au Maghreb, mais ce qui fait peur, ce sont les conséquences de cette tendance. La première est de s'interroger sur la valeur de la lutte pour les droits, la seconde est liée à l'atteinte à la règle de "l'État de droit et des institutions", qui repose sur la transparence, le droit d'accès à l'information, le respect des libertés, ainsi qu'à l'atteinte à la liberté d'opinion, de pensée, d'expression et des médias .

Selon la Cellule de surveillance des violations du SNJT, entre le 1er mai 2021 et le 30 avril 2022, 214 agressions ont été commises contre des journalistes et des photographes: cette année est la plus grave des cinq dernières années.

Par ailleurs, La Tunisie est placée désormais au 94e rang mondial dans le classement 2022 de la liberté de la presse selon le rapport annuel de Reporters Sans Frontières. Elle a perdu 21 places par rapport au classement 2021 où elle occupait le 73 rang.

Dans le classement mondial de la liberté de la presse publié par Reporters sans frontières (RSF) qui concerne 180 pays, la liberté de la presse et de l’information en Tunisie est jugée comme “un acquis incontestable de la révolution tunisienne”.

Revenons au président  qui a affirmé lors de la réunion de la 49e session du Conseil des droits de l'homme de l'ONU à Genève que "toutes les libertés sont garanties par le texte de la constitution et des accords internationaux … La liberté de presse et de circulation et toutes les libertés sont garanties par le texte de la constitution et des conventions internationales, que la Tunisie a ratifiées et n'a réservé aucune de ses dispositions…. ».  Il s'agit d'un président qui n’a pas l’air de faire confiance aux associations, organismes et à la société civile, ce qu’il a dit pas mal de fois, qui travaillent sur des agendas selon lui.

Pour moi personnellement, ça ne m'étonne pas de voir des restrictions et violations des libertés individuelles, surtout concernant les minorités en Tunisie, puisque on a l'habitude d'entendre et de voir un président utilise le discours religieux, pas mal de fois dans son speech. Il a aussi choisi d'organiser une cérémonie de remise de prix aux lauréats du concours de l’apprentissage du Coran, une tentative d’islamisation rampante en Tunisie.  On a vu même des fillettes voilées. Mais dans tout ça, Saied déclare que l’Etat n’a pas de religion.

En plus, je vais juste parler des les non-jeûneurs qui, à chaque Ramdan, sont obligés à se cacher  à cause de la bigoterie, au risque d’être traînés en justice, dans un pays censé d’avoir un caractère civile, laïque, grâce au combattant suprême Habib Bourguiba.


Quelle Tunisie veulent-t-ils instaurer pour les futurs générations, je parle de la Tunisie d’égalité, de liberté, de civilité, de tolérance, mais on voit malheureusement l’obscurantisme, la bigoterie et la culture de « frêrisme », favorisé dans les médias, mai aussi à travers les discours de la majorité des leaders d’opinion.

Le 25 juillet prochain sera la date qui va définir le sort de la Tunisie, le référendum. Certains sont pour, d’autres veulent tout faire pour l’annuler, et une autre partie ne sait même pas de quoi il s'agit… Une transition espérons bien qu’elle ne soit pas un mirage, un pieux mensonge, et qu’on passera à un chapitre plus mieux que celui de la dernière décennie.

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Kabil El Ouerghemmi




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