L'immigration clandestine en Tunisie: le torchon brûle


Une situation économique et sociale moribonde, un avenir sociopolitique sombre, une exploitation et une absence d’un bon futur… Celles sont parmi les raisons qui poussent les jeunes tunisiens à choisir une seule et unique solution, c’est de quitter les pays avec n’importe quel moyen, ou bien d’une façon légale, après avoir garanti un contrat à l’étranger, ou pour compléter leurs études ailleurs. L’autre solution la plus dangereuse, celle de l’immigration clandestine, que je considère personnellement un autre type de suicide, une arme à double tranchante, que vous réussissiez ou que vous mourriez, mais surtout ne pas rester ici dans ce pays et mourir d'une autre manière, dans un pays qui tue vos rêves, vos potentiels et votre ambition. 

En Effet, l’immigration clandestine existait dans l’esprit des jeunes tunisiens depuis longtemps. Chacun de nous a au moins connu quelqu’un ou entendu d’un de son entourage qui a choisi cette aventure, challenge, mettant dans son esprit que l’Europe est le paradis, où il pourrait avoir une meilleure vie, garantissant un avenir pour ses enfants, mais aussi le fantasme pour certains de se marier d’une européenne, « une jeune blonde aux yeux bleus »… Un caprice qui change au moment où on met les pieds dans leur territoire, en découvrant l'autre vrai visage de l'Europe: les rues sombres et froides, le fait de dormir sous les ponts, les regards du racisme, la xénophobie..etc. Et même si le temps a changé, cela existe toujours.

Le taux de l'immigration clandestine a connu une augmentation après la révolution, ces dernières années. Cette révolution n’a fait que la renforcer et empirer la situation. Même si elle se fait dans des normes, l’immigration clandestine ne manquait pas d’ajouter le grain de sel à la situation de notre pays, où l’exode est devenu le seul recours pour sortir des difficultés vécues dans son propre pays.

Un état de déliquescence programmé incitant de nombreux jeunes Tunisiens à plier bagage, en général définitivement, vers d’autres horizons.

Selon les chiffres, 205 opérations d'immigration irrégulière depuis les côtes du pays en direction de l’Italie ont été déjouées, soulignant à cet effet que 3 160 migrants clandestins ont été arrêtés depuis le début de l'année 2022.

Les mineurs veulent quitter

Pour les mineurs, on a remarqué une augmentation massive, du nombre des ceux ayant réussi à atteindre les côtés italiennes en 2021 par rapport à 2017, selon le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES). 2731 personnes, dont 2076 jeunes non accompagnés, contre 561 en 2017 .

Selon les données officielles italiennes, plus de 55000 migrants ont débarqué en Italie en 2021, essentiellement depuis les côtes tunisiennes et libyennes. Le nombre de mineurs arrivés en Italie - côte européenne la plus proche de la Tunisie - s'est élevé à 2.731 personnes, dont 2.076 jeunes non accompagnés, contre 561 en 2017 (544 non accompagnés).

Des mineurs qui pensent que quitter la Tunisie est la seule et unique solution pour garantir une meilleur vie, quand-même à cet âge, on voit aucun espoir, ni horizons, ni futur, pour qu'on puisse réaliser ses attentes, un pessimisme qui n'a pas cessé d'augmenter chez cette communauté. Cela s'est incarné à travers beaucoup de choses, par exemple de l'abondance scolaire.

Depuis la révolution près d’un million d’enfants tunisiens  ont quitté les bancs des écoles, 100 mille élèves abandonnent l'école chaque année, une déscolarisation qui représente une véritable menace pour les futures générations. Certains d’eux   ont rejoint les centres de formation professionnelle, mais un grand nombre se sont intégrés dans le cycle économique ou ont été soumis à divers types d’exploitation.  D’autres choisissent l’immigration clandestine. C'est devenu quelque chose inculqué dans l'esprit de la jeunesse tunisienne, ça fait longtemps, mais surtout, ces dernières années, notamment après la révolution. 

N'oublions pas le phénomène de "migration familiale", en août 2021, parmi les 3904 personnes ayant rejoint l’Italie se trouvaient aussi 502 mineurs non accompagnés, 138 mineurs accompagnés et 149 femmes. En moyenne, depuis janvier 2021, les ressortissants tunisiens représentent en effet 46,88% des migrants arrêtés.

Par ailleurs, on peut citer l'exemple de l'instagrammeuse tunisienne qui a créé une polémique en Tunisie, en postant des photos et une vidéo où on la voit poser à la façon d’un mannequin dans une petite embarcation en direction de l’Italie, selon ses dires. Une attitude qui n'est pas du goût de tout le monde, dans un pays où l'immigration clandestine est souvent synonyme de drames.

De plus, entre 70% et 80% de ces mineurs sont originaires d'Afrique subsaharienne, un départ illicite expliqué par la détérioration de la situation socio-économique et des tensions politiques dans leurs pays. Au total, 15.671 migrants dont 584 femmes ont réussi à atteindre le sol italien depuis les côtes tunisiennes en 2021, contre 12.883 (dont 353 femmes) en 2020. En 2017, 6.151 migrants étaient arrivés (dont 135 femmes), selon le rapport du FTDES.

Les garde-côtes tunisiens ont intercepté 25.657 migrants qui tentaient la traversée de la Méditerranée en 2021, près du double par rapport à l'année précédente (13.466).  En outre, près de 1300 migrants ont été portés disparus en 2021 ou sont morts noyés en Méditerranée, selon des statistiques de Haut-commissariat aux réfugiés (HCR). 

Tunisie - Italie: Coopération contre les migrations irrégulières

Le Président de la république Kais Saied s'est entretenu avec le chef de la diplomatie italienne, Luigi Di Maio, pour parler du sujet de l'immigration clandestine. Le ministre italien a exprimé, lors de cet entretien, le soulagement de son pays pour le travail effectué par la Tunisie dans la lutte contre l'immigration clandestine. 

Saïed, a mis l'accent de sa part sur "les limites des politiques traditionnelles dans la gestion du phénomène de l'immigration" clandestine, appelant à une vision commune susceptible d'encourager "l'immigration régulière selon des mécanismes respectant le droit des migrants".

Rappelons aussi les dires  de la ministre italienne de l'Intérieur Luciana Lamorgese qui avait annoncé lors d'une visite à Tunis un accord prévoyant des aides économiques à la Tunisie en échange d'efforts accrus de sa part pour empêcher les migrants d'arriver en Europe.

En conclusion, avec le manque de considération pour les intérêts vitaux des tunisiens, une jeunesse avec des voix pas entendues dans leur pays, une assemblée qui était une réincarnation d’un film de comédie noire, et un chef d’Etat qui ne sait quoi faire… Sans aucun doute, le torchon brûle.

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Kabil El Ouerghemmi




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Kabil El Ouerghemmi