La présence de la radio post révolution en Tunisie sur Internet : des médias sociaux au club house, de quel espace de parole libre parlons-nous ?


La radio a toujours évolué en Tunisie, depuis sa naissance en octobre 1938 en tant qu’une radio publique. La première radio privée a vu le jour le 07 novembre 2003 sous prétexte de défense de liberté de presse, dans le temps du Président déchu Ben Ali.
 
L’évolution de la radio était aussi sur le plan journalistique que technologique au point qu’elle a marqué depuis des années sa présence sur Internet et les médias sociaux. Mais déjà, la présence du contenu radiophonique sur Internet et les médias sociaux n’a pas empêché les radios tunisiennes de s’imposer médiatiquement au point qu’on parle de plus en plus des radios associatives après la révolution du 14 janvier 2011.
 
D’ailleurs, le nombre évolué des radios confirme d’ailleurs le résultat du rapport du recensement de la population (2014) : 68,2% de la population écoutent la radio. Il est clair ainsi que la radio garde une place importante au sein du quotidien tunisien. Il s’agit de plus qu’une trentaine de radios tunisiennes privées et publiques, mais également on parle de 22 radios associatives notamment: Nefzawa FM, Dream FM, Cilium FM, Mines FM, Radio Djerid FM, radio 6 et radio ML..Le pluralisme médiatique s’impose en Tunisie.
 
En Tunisie, les radios en ligne fonctionnent en absence d’un texte juridique qui prend en considération la présence d’un contenu médiatique en ligne.
 
Or la radio d’aujourd’hui n’est pas la radio d’hier ou celle de l’an dernier notamment à l’ère de la convergence médiatique définie dans le Dictionnaire du journalisme et des médias, comme suit : « tendance des groupes de médias à combiner les différents supports techniques dans la fabrication et la diffusion des produits ».
 
La radio d’aujourd’hui a pris de nouvelles formes en présence d’un contenu différent au point qu’elle marque sa présence en 2021 sur Club House, ce nouveau média social qui encourage la participation du citoyen au débat public. Il s’agit d’une application logicielle de réseautage social pour appareils mobiles développée par Paul Davison et Rohan Seth qui permet via des chambres privées et sur invitation, de mener des discussions vocales.
 
Ceci nous pousse à se demander si la radio tunisienne présente aujourd’hui à l’heure de Club House un espace de parole libre.
 
Qu’est-ce qu’une radio présente sur Club House ?
 
De nombreux médias, comme la radio, se sont impliqués dans cette vague d’évolution technologique qui a marqué le secteur de l’audiovisuel, que ce soit au niveau de la production ou de la distribution. Ainsi, nous avons enregistré l’émergence de nouvelles pratiques adoptées tant par les radios que par leurs publics, ce qui a entraîné une croissance de l’écoute de la radio en ligne grâce à l’invention de nouveaux dispositifs technologiques, à savoir le smartphone et la tablette, à la multiplication des offres d’accès à l’Internet et à l’évolution du nombre d’internautes en Tunisie. Il existe d’ailleurs+ 7,55 millions d'internautes dont un bon nombre présent sur Facebook, Instagram, Linkedin et Tiktok.
 
De plus, la radio est souvent utilisée, tout comme les autres types de médias (la télévision, journal papier, journal en ligne), pour éduquer, sensibiliser et informer les populations de l’actualité notamment en période de crise.
 
Cherchant ainsi à avoir plus d’audience, nous avons enregistré la présence de deux radios tunisiennes sur club house à savoir : Mosaique FM et IFM.
 
 
Nous étions depuis le mois de mai 2021, date de la démocratisation de Clubhouse, en train de voir des citoyens émerger sur Club House. Ce dernier avait l’accès limité à son départ, aux possesseurs d’un IPhone.
 
Or nous avons tendance à suivre les débats radiophoniques portant sur des sujets d’actualité notamment pendant les situations de crise. C’était bel et bien le cas pendant la crise du coronavirus. La radio est un canal privilégié de mobilisation citoyenne et de développement ou un outil de résilience aux bouleversements sociaux et aux catastrophes naturelles.
 
Bien que ces deux radios soient installées sur Club House, aucune activité n’a été enregistrées au moment où une centaine de citoyens lançaient des chambres chaque soir, portant sur des sujets d’actualité à savoir : la situation du Coronavirus en Tunisie, les décisions politiques, et autres. Pourtant, des radios associatives ont marqué leur présence sur Club House et ont lancé des chambres (rooms) attirant ainsi un large public en ligne.
 
La radio : un espace de parole libre ?
 
La radio joue bien évidemment un rôle crucial notamment en situation d’urgence. La Tunisie a vécu d’ailleurs beaucoup d’événements ces derniers mois au point que Club House a pris un grand succès étant donné que les tunisiens avaient besoin d’un espace de parole libre.
 
En Tunisie, l’accès à la radio est limité comme partout dans le monde. C’est-à-dire un certain nombre d’auditeurs seront présents pour s’exprimer via un appel téléphonique… certains d’autres vont s’exprimer sur Facebook ou twitter sans qu’il y ait forcément un retour.
 
En effet, aucune émission en Tunisie n’est consacrée totalement aux citoyens à part, les micro-trottoir qu’on mène dans la rue, à la recherche d’une réponse pour une question d’actualité. Par contre, de nombreux citoyens s’expriment en temps virtuel sans qu’il y ait forcément un débat avec eux. Ceci nous mène d’ailleurs à se demander si la présence de quelques citoyens est déjà représentative de toute la population.
 
Club House concurrent de la radio
 
C’est la raison pour laquelle, club House a attiré un bon nombre de citoyens tunisiens, et s’est manifesté comme plateforme concurrente de la radio avec le nombre d’auditeurs participants à une chambre.
 
Nous n’ignorons pas l'idée que pendant ces moments d’incertitude, d’angoisse et de peur, les médias classiques notamment la radio présentent la principale source d’information des populations, mais aussi un vecteur de coparticipation à la gestion et à la mitigation de la crise. Or la communication (MédiasI Citoynes) se fait dans un sens unique. Ce qui explique l’ampleur qu’a connu Club House auprès d’un bon nombre de Tunisiens. On ne sait pas de combien de Tunisiens présents sur cette nouvelle plateforme émergente mais on voit une évolution des abonnées tous les jours. Il arrive même que certains débats n’aient pas lieu dans les médias, mais sont sujets de discussions sur club house.
 
Exemple, le 25 juillet 2021, date de changement politique en Tunisie avec la décision présidentielle du gel des activités du parlement, les médias étaient en mode silence, alors que les citoyens s’exprimaient sur Club House en toute liberté.
 
Sur Club House, non seulement les écoutes sont collectives, permettant une discussion entre les auditeurs, mais aussi elles sont l’objet d’une mise en dialogue et en relation entre ceux qui ont sont en train de dialoguer. Ce qui rend Club House un espace de parole libre et confirme qu’il commence à devenir un concurrent à la radio.
 
Si les médias ont fait attention à la dominance de Facebook et se sont placés sur cette plateforme, nous pensons qu’il est temps qu’ils soient actifs sur club house pour être plus proche de leur audience, dans le cadre de cette convergence médiatique dont on a parlé au départ. Les radios tunisiennes sont appelées ainsi à profiter de cet espace pour développer leur relationnel avec leurs publics, puisqu’ils ont déjà tendance à le faire via les autres plateformes électroniques.
 
En réponse à notre question de départ : La radio est-elle un espace de parole libre à l’heure de Club house?, Oui elle le sera si elle profite de cette nouvelle offre technologique.
 
 
Remarque : Cet article a été sujet d'une intervention faite par l'auteur lors d'une conférence en France.
 
 
 

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Nouha Belaid




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